Lors du Congrès de la Sorbonne de 1894 au cours duquel Pierre de Coubertin convainc les délégués de rétablir les Jeux Olympiques est également décidé le choix de la première ville d’accueil. Le choix est évident : ce sera Athènes malgré la réticence de certains politiciens. Le baron, aidé par le président du CIO, Demetrios Bikelas finit par obtenir leur soutien. «Nous, les Français, avons un proverbe qui dit que le mot« impossible »n’est pas en français. On m’a dit ce matin que le mot était grec. Je n’y crois pas. » Autre aide indéfectible : celle du prince héritier grec Konstantinos, qui dirige le comité d’organisation et prête son prestige considérable aux Jeux d’Athènes. Enfin, un don de dernière minute de 920 000 drachmes du richissime philanthrope grec Giorgios Averof (en remerciement de ses contributions, une statue, toujours là aujourd’hui, lui est érigée devant le stade) persuade les derniers sceptiques et permet à l’ancien stade panathénaïque (construit en 330 avant notre ère) d’être rénové et utilisé pour ces premiers Jeux olympiques de l’ère moderne. On peut regretter que ce stade, fait de marbre, élevant sa blancheur dans le ciel de l’Attique, soit incompatible avec des performances sportives. Le sable fin de la piste explique en partie les faibles résultats athlétiques.
« Citius, Altius, Fortius », la devise olympique est née dans une cour d’école. En 1891, le père dominicain Henri Didon, proche de Coubertin, utilise cette maxime pour pousser ses élèves à devenir des hommes par la pratique du sport, pour les élever vers Dieu. « Plus loin, plus haut, plus fort » est retenu comme devise officielle des JO lors du congrès de 1894, résumant à merveille l’esprit olympique.
Les Jeux eux-mêmes sont évidemment loin d’atteindre l’essor du sport que nous connaissons aujourd’hui. Seuls 13 pays, 285 sportifs dont plus de 180 sont grecs, participent aux 9 sports différents et bon nombre des meilleurs athlètes du monde sont absents, faute de publicité attractive. Seul un Américain de classe, le sprinteur Thomas Burke fait partie de l’équipe officielle seulement composée de 10 yankees. Quant aux Britanniques, ils ont délégué avec mépris quelques étudiants en vacances. Le meilleur d’entre eux Flack est même australien. Pourtant, le faste des manifestations et leur engouement public contrastent avec l’intérêt international. Les jeux s’ouvrent lors d’une cérémonie le 25 mars 1896 ou le 6 avril 1896, selon que l’on se fie au calendrier julien (alors d’usage en Grèce) ou au calendrier grégorien plus moderne lorsque le roi Georges Ier déclare « Je proclame ouverts les Jeux de la première olympiade de l’ère moderne. »
La première épreuve des Jeux olympiques modernes est la première série du 100 mètres, remportée par l’Américain Frank Lane, étudiant à Princeton. Mais le premier champion olympique est celui du triple saut : James Connolly, un étudiant de Harvard, qui quitte l’école de Cambridge pour participer à ces Jeux. Il est ainsi le premier successeur de Varasdates d’Arménie champion de boxe en 369 avant JC.
Les Etats-Unis dominent les épreuves d’athlétisme, remportant tout sauf le 800 mètres, le 1500 mètres et le marathon. Ils humilient même les Grecs au lancer du disque. Ces derniers s’étaient entrainés durant des mois suivant les descriptions des textes anciens de l’historien Philostrate jusqu’à en faire une propriété nationale. Mais, l’Américain Robert Garrett enlève le titre à l’Athénien Paraskevopoulos avec un jet de 29,15m (le lancer se fait de pied ferme). Il remporte également le poids le lendemain en lançant l’engin à 11,22m (performance mystérieusement ridicule).
Côté français, 2 médailles. L’argent d’Alexandre Tuffèri, premier médaillé olympique français le 6 avril 1896, au triple saut (12,70m) et le bronze d’Albin Lermusiaux sur 1500m (4’36 »0).
* Manquent les 400m, 800m, 1500m, 110m haies, la longueur, la hauteur, la perche, le poids et le disque.
À la fin des Jeux, tous les concurrents et spectateurs sont unanimes pour louer Athènes en tant qu’hôte olympique. Mieux encore, les athlètes américains pensent qu’Athènes devrait être le site permanent. Ils écrivent d’ailleurs une lettre au prince héritier Konstantinos le 14 avril 1896, qui fut publiée dans le New York Times le 3 mai, suggérant que tous les futurs Jeux Olympiques soient tenus à Athènes. Ce ne peut l’être. D’une part, Coubertin souhaitait que les Jeux Olympiques soient d’envergure internationale et tournent dans différentes villes, et il soutiendra toujours cette idée. Et d’autre part, les autres pays participant espéraient accueillir également les Jeux comme un juste retour sur investissement. Et si le CIO fut d’accusé d’exacerber les sentiments nationalistes à travers ses jeux par diverses chancelleries, Charles Maurras, essayiste d’extrême droite, présent à Athènes en tant que journaliste, bien qu’hostile à l’idée olympique, dût convenir que « cet internationalisme-là ne tuera(it) pas les patries, il le fortifiera(it)… »